Voilà quelques mois que Dessance, le premier restaurant gastronomique de cuisine du sucré, tente de séduire les parisiens avec son concept novateur. La tâche n’est pas aisée au pays du restaurant à l’ancienne et des sacro-saints trois repas par jour. Pourtant les restaurants de desserts cartonnent dans les villes gastronomiquement plus avant-gardistes comme New York ou Hong Kong avec des interprétations parfois totalement folle comme chez ATUM Desserant. Dès son ouverture, Dessance a su convaincre les plus septiques et la presse a vanté à l’unisson le talent et l’audace du jeune Chef pâtissier Christophe Boucher. Moi même, j’avais eu un véritable coup de cœur pour cet établissement qui bouscule les règles établies en proposant une dégustation de desserts de haut niveau dans un cadre décontracté et en service continu.
La Carte :
J’écrivais dans mon précédent article qu’une visite chez Dessance ne pouvait se substituer à un repas complet. Avec les habitudes alimentaires françaises et les formules actuelles des restaurants, il n’est en effet pas évident de caser dans sa journée une série d’assiettes sucrées aussi délicieuses soient-elles. Aussi, Dessance s’est adapté en complétant son offre d’assiettes salées et de deux menus dégustation mélangeant le salé et le sucré.
Cette évolution n’est pas contre nature car le Chef avait déjà l’habitude d’associer à ses desserts des préparations à base de légumes. À l’ouverture, il travaillait par exemple la pomme de terre vitelotte dans une composition sucrée autour de la pomme. Avec des desserts parfois plus proches de l’exercice de cuisinier que de pâtissier, ce passage au salé s’impose finalement comme une évidence.
Toutefois, je ne peux m’empêcher de regretter que cette nouvelle orientation atteste du fait que Paris n’est pas encore prêt à faire une véritable place à ce type de restauration. Vraiment dommage surtout que ça ne motive à lancer d’autres concepts innovants du même genre. L’innovation chez nous c’est le burger à la fourme d’Ambert, le Dim Sum en carton au cul d’un tricycle et les cakes en pagaille et surtout sans gluten ! J’ai immanquablement pas fini de préférer faire bonne chère à Hong Kong plutôt qu’à Paris…
Le Repas :
Thon cru, groseilles, glace à l’avocat et mousse d’oignons rouges
Sorbet à la carotte et Jus de petits pois
Burrata fraîche, sorbet de feuilles de moutarde, poudre de moutarde et oranges confites
Cette série d’assiettes salées est magistrale. Je suis sous le charme de ces jeux de texture et de température. Les produits sont exposés dans un état brut contrastant avec la sophistication des condiments. Un parti pris peut-être critiquable mais qui ne m’a pas gêné tant la Burrata et le Thon étaient de qualité.
Le mariage Thon cru, mousse d’oignons rouges et glace à l’avocat fonctionne à merveille. La barrière entre le sucré et le salé semble n’avoir jamais existé. On perd tous ses repères gustatifs mais le plaisir est à chaque fois au rendez-vous comme avec cette association inédite Burrata/Sorbet de feuilles de moutarde. Je suis définitivement sensible à cette cuisine à la fois impertinente, précise et gourmande. Dans ses marqueurs, elle me rappelle parfois la cuisine cantonaise… Pour faire ma fine bouche, je dirais que l’on peut reprocher un abus de texture glacée qui a tendance à anesthésier le palais sur la longueur mais, en cette période estivale, c’est au contraire un atout des plus réjouissants. En d’autres saisons, il conviendra d’être plus mesuré.
Cette assiette d’Abricots confits, Amandes, Mousse d’Aneth, Pop Corn et Jus de maïs a sans conteste été ma préférée lors de ce déjeuner chez Dessance. Le jus de maïs servi chaud vient réconforter le palais, les abricots confits sont d’un fondant incomparable et le sucre est habillement dosé. Je trouve ce dessert tout simplement génial et très original (bien que le travail du maïs a le vent en poupe en ce moment sur les tables parisiennes).
Ce dessert fait de Cerises, Mousse de cerise, Crumble cerise et Amaretto, Sorbet lavande et de Sorbet marjolaine reprend tous les codes qui caractérisent la cuisine du Chef. La profusion de couleurs, de matières ou de techniques suscite toujours une légère réticence mais dès la première bouchée le sourire est irrémédiablement au bout des lèvres. Même si chaque élément est réalisé avec soin, je trouve que chaque création fait toujours ressortir un élément prédominant. Ici, c’est le Crumble Cerise et Amaretto qui est furieusement addictif.
On ne présente plus l’Omelette norvégienne de Dessance, juste un monument de gourmandise et de plaisir. La forme a quelque peu évolué mais tout y est comme à l’ouverture, de la meringue, au caramel beurre salé en passant par le croquant cacao.
Chaque menu et même un dessert unique se ponctuent à chaque fois par quelques mignardises. Ce jour là, au milieu du chocolat et de la guimauve, j’ai apprécié cette cuillère autour du melon et de la pastèque.
Bilan :
Faut il y aller ? Ce nouveau vent salé qui souffle sur Dessance nous donne une raison de plus de venir y prendre l’air. Ce virage n’était évident mais le Chef Christophe Boucher a su le négocier avec talent en s’appuyant sur sa technique et son imagination.
Avec qui ? Le lieu se prête à toutes les circonstances. Du déjeuner en solo, à la collation entre amis en passant par une pause sucrée en amoureux accoudée au comptoir.
Y retourner ? Le service continu, la décontraction du lieu et la possibilité de venir pour un seul dessert comme pour un menu dégustation complet sont autant de verrous sautés dans l’univers cadenassé de la gastronomie parisienne. J’aime cette liberté qui pour une fois ne se fait pas au détriment de la qualité. Avec les saisons, la carte évolue sans cesse. Revenir est le gage de nouvelles sensations.
La clientèle ? De plus en plus de touristes bien renseignés mais toujours autant d’incorrigibles gourmands.
C’est cher ? Pour ce type d’expérience, je suis prêt à mettre ce prix. Le menu que vous venez de voir en photo est à 42 €, le prix est juste. Pour une première visite, vous pouvez vous contenter d’un dessert unique à 19 € (avec amuse-bouche et mignardises) ou d’une assiette salée autour de 14 €.
Et les toilettes ? Vastes, à l’étage mais toujours avec ce foutu sèche-mains Dyson !
Informations :
Dessance
74 Rue des Archives – Paris 3ème
Métro : Rambuteau
Tél. : 01 42 77 23 62
www.dessance.fr