Après l’Auberge du 15, le Chef Nicolas Castelet récidive avec une seconde Auberge inspirée par la région du légendaire Roi Gradlon. Pour ce projet de restaurant gastronomique breton, il avait besoin d’un enfant du pays et s’est notamment associé avec le Chef Antoine Bertho. Formé à l’Atelier de Joël Robuchon, il œuvrait précédemment dans les cuisines du restaurant Le Sauvage dans le 8ème. Nicolas Castelet croit définitivement dur comme fer en son quartier de prédilection du 13ème arrondissement. Avec l’Auberge du 15, The Hotstuff et l’Auberge du Roi Gradlon, il quadrille scrupuleusement le secteur autour de l’hôpital Cochin et participe de la montée en puissance de l’offre de restauration du sud-est parisien.
Premières Impressions :
Il y a quelques semaines alors que le soleil rayonnait sur la capitale, j’ai aperçu Boulevard Arago qu’une toute nouvelle terrasse d’été était en construction devant l’Auberge du Roi Gradlon. Il faut reconnaître que même si l’intérieur du restaurant profite d’une décoration harmonieuse sur le thème de la Bretagne médiévale, la salle en sous-sol manque de lumière et les quelques tables au rez-de-chaussée d’intimité. Cette magnifique terrasse est une aubaine. Les tables sont joliment dressées, les fleurs et les arbres masquent légèrement la vue depuis la rue et le mur végétal laisse planer une agréable odeur de jasmin. En soirée, le boulevard est peu fréquenté et l’on dîne dans une atmosphère incroyablement calme et sereine. À noter que cette terrasse à vocation à être complétée par de nouveaux aménagements pour perdurer tout le long de l’année !
Au service, l’équipe est jeune et encore peu aguerrie. Malgré quelques maladresses, j’ai apprécié sa prévenance et sa sympathie. Nous y avons passé à chaque fois un très bon moment…
La Carte :
Comme toujours avec Nicolas Castelet, la carte est intelligemment construite. Au déjeuner, le menu entrée / plat ou plat / dessert est à 24 € alors que le soir, le menu en 5 services est affiché à 68 €. Les propositions changent au fil des saisons et sont naturellement tournées vers le terroir breton. En plus de revisiter quelques classiques comme la Galette complète ou le Kig Ha Farz, le Chef Antoine Bertho travaille des produits de qualité pour présenter des compositions soignées et gourmandes. À la carte, le choix est varié et satisfera toutes les envies. J’aime l’idée d’afficher des plats à des tarifs très différents. Le plaisir n’est pas une question de prix car vous en aurez tout autant en déboursant 45 € que 100 €. Seulement, vous avez l’opportunité de déguster des produits nobles comme le Caviar ou la Langoustine en profitant des talents du cuisinier. Reste tout de même à voir si le jeu en vaut la chandelle car certaines entrées sont tout de même à plus de 40 € ! Comme j’y suis allé plusieurs fois ces derniers temps, je me suis permis de goûter (avec un peu d’aide) à la quasi-totalité de la carte du moment. J’avais emmené avec moi quelques septiques de ce concept de cuisine gastronomique bretonne à Paris et je peux d’ores et déjà vous dire qu’ils ont rapidement revu leur opinion…
Le Repas :
Le repas débute toujours par l’arrivée de légumes accompagnés d’un beurre breton retravaillé avec des salicornes ainsi que d’un beurre salé servi sous sa cloche. Ces radis, fenouil et autre cèleri trempés dans ce beurre à la consistance crémeuse constituent une judicieuse mise en bouche.
L’entrée la plus abordable est ce Velouté « Douar pe Ar Mor ». Sa recette change en fonction des arrivages. Tantôt aux poissons, tantôt aux légumes, il était ce soir-là aux petits pois. Rien à dire, il est impeccable, bien lisse, onctueux et ponctué par une belle quenelle de crème fraîche.
Nous montons en gamme avec ces Étrilles de Rochers, Chair de crabe émietée et gelée de carapace au caviar. Ne vous étonnez pas de voir le mot « Chèvres » inscrit à la carte. Il semblerait que ce soit le petit surnom donné aux Étrilles en Bretagne. Servi dans quatre carapaces, ce plat est tout simplement délicieux. Même si la gelée manque sans doute d’un brin de finesse, sa puissance aromatique met tout le palais en émoi. Le caviar apporte un petit goût de noisette pas désagréable et équilibre idéalement l’ensemble.
À suivre, Sardines Bretonnes, Cuites en court-bouillon vinaigré, Haricots coco fondants. Un peu déçu par ces haricots cuisinés façon macédoine, je suis en revanche resté pantois devant ces sardines d’un fondant incomparable. Derrière ces petits morceaux de filets se cache une technique de cuisson délicate et maîtrisée à la perfection. Sur l’instant, je n’ai eu qu’un seul mot, « Une tuerie ! »…
Dernière entrée de cette dégustation avec ce Saumon doucement mariné, artichauts, sauce vierge aux salicornes marine. La conception est classique mais l’assaisonnement et l’abondance de petits légumes donnent une réelle dimension à cette assiette. On est en plein dans l’esprit de la Bretagne avec l’iode des salicornes et le coté épicé propre à cette région de grands voyageurs.
Impossible de venir à l’Auberge du Roi Gradlon sans commencer par déguster leur Kig Ha Farz gastronomique. Plat emblématique du nord de la Bretagne, il signifie littéralement Viande et Farce. Servi dans deux assiettes séparées, ce généreux Kig Ha Farz reste joliment dressé. Pour la viande, le Chef a choisi le paleron de bœuf, la poitrine de cochon et le lard. En légumes, on dégote ici et là du choux, du navet, de la carotte et de la pomme de terre. La Farce (ou Farz) correspond à ce palet cylindrique réalisé à base de farine de blé noir. Je prends indéniablement beaucoup de plaisir à manger ce plat familial subtilement revisité. Il y a de la couleur, un bouillon concentré en saveurs, des légumes encore croquants et des viandes parfaitement fondantes. Si j’étais une bigoudène, je crierais au pirate !
Nous restons dans la tradition bretonne avec cette Galette Complète, Jambon d’Yffignac coupé sur l’os, œufs de caille, trappe de Timadeuc et Jus vin Jaune. Si le Kig Ha Farz était une réussite, cette galette est un immense succès ! Je n’avais jamais imaginé que l’on pouvait arriver à une telle perfection à partir d’une spécialité aussi rustique. Chaque élément est travaillé avec tellement de soin qu’il participe de la magie de cette assiette. Œufs de cailles au plat, oignons grelots confits et jeunes girolles sont autant de petites attentions qui viennent souligner une galette copieusement garnie d’un jambon épais et d’un fromage artisanal typiquement breton. J’ai encore fait des bonds sur ma chaise en dégustant ce plat ! Vraiment chapeau !
Nous terminons cette série de plats avec des compositions moins traditionnelles mais mettant tout autant à l’honneur le terroir breton. Le Bar de pêche au Chalut, crémeux de jeunes carottes au Kari Gosse, Emulsion parfumée à la Citronnelle m’a bien plu même si l’ensemble est convenu. Une assiette que l’on imaginerait plutôt dans l’une de ces adresses bistronomiques du moment. Affiché à un prix élevé à mon sens, je trouve ce plat un peu éloigné de l’esprit du restaurant.
Ce n’est pas le cas des Côtelettes d’Agneau celte rôties aux aromates, jus gras de cuisson et épeautre rustique au basilic. Trois magnifiques côtelettes cuites à la perfection accompagnées d’une garniture parfumée coiffée de fromage de brebis fondu. J’aurais pu dire que c’était parfait si le jus avait été un peu plus travaillé mais franchement je chipote car j’ai adoré… Un instant, j’ai repensé à l’Auberge du 15 du temps où le Chef Nicolas Castelet y servait sa cuisine bourgeoise.
Nous passons aux desserts avec celui qui m’a le moins convaincu. Sablé Breton, Fruits taillés et Sabayon au Pamplemousse. À fond sur l’acidité et avec un sablé breton détrempé, j’ai du mal apprécier. C’est certes le dessert le moins cher de la carte mais il n’est pas au même niveau de raffinement que les autres.
Prenez ces deux Crêpes sucrées par exemple. Avouez que pour quelques euros de plus, elles ont bien plus belle allure ? En première, Crêpe au Chocolat Grand cru, Abricots moelleux et Pignons torréfiés. Ensuite, Crêpe aux Gariguettes de Plougastel, zeste de citron vert, crème pâtissière au Grand Marnier. À l’image de la Galette complète, ces crêpes sont dressées avec le plus grand soin. C’est gourmand, équilibré, régressif presque jouissif, tout le monde est fan !
Le Kouign Amann de l’Auberge du Roi Gradlon est vanté dès la commande comme la grande spécialité de la maison. Il est servi avec une petite casserole de caramel qui, à ma seconde visite, était au beurre salé (encore mieux). Brillant, croustillant il est indéniablement réussi. J’ai le sentiment qu’il a été allégé car nous sommes loin de la montagne de beurre habituelle. C’est une bonne idée pour terminer un repas déjà copieux mais il perd du coup un peu de son charme. N’y voyez pas une excuse pour l’éviter. Il faut au contraire impérativement le commander !
Bilan :
Faut il y aller ? Je dois dire que cette interprétation gastronomique de la cuisine bretonne est particulièrement enthousiasmante. Jonglant entre des recettes traditionnelles sublimées avec délicatesse et des créations originales utilisant des produits nobles du terroir breton, l’Auberge du Roi Gradlon séduit et fait taire tous les septiques. Avec la nouvelle terrasse extérieure, tous les atouts sont réunis pour en faire l’une des mes adresses fétiches dans le quartier cet été.
Avec qui ? J’y emmènerai mes parents pour un repas au calme mais aussi des amis étrangers pour leur faire découvrir la cuisine bretonne.
Y retourner ? Tu m’étonnes ! La cuisine comme le cadre donnent envie de revenir fréquemment.
La clientèle ? On peut s’étonner que le restaurant soit si peu rempli. Pas évident d’attirer les fines bouches dans le quartier. Il commence d’ailleurs à y avoir de la concurrence avec l’Ourcine, le Simone ou le Petit Marguery à proximité. En tout cas, j’y ai croisé des habitués, des curieux du quartier mais aussi des touristes perdus qui ont plié bagage voyant que le restaurant ne servait pas de steak frites
C’est cher ? 24 € pour la formule du midi et 68 € pour le menu dégustation du soir en 5 services. Je trouve ces tarifs adaptés. Grâce à une carte bien construite, on peut s’en sortir pour 45 € par personne mais aussi 100 € si l’on veut des produits plus coûteux. Ne soyez pas gênés de venir prendre les plats les moins chers. Le lieu n’est pas guindé pour un sou et vous aurez tout autant de plaisir si ce n’est plus !
Informations :
L’Auberge du Roi Gradlon
36 boulevard Arago – Paris 13ème
Métro : Les Gobelins
Tél. : 01 45 35 48 71
roigradlon.fr
Ouvert du vendredi au mardi de 12h à 14:00 et de 19h et 23h.
Retrouvez l’Auberge du Roi Gradlon sur la Carte de mes Adresses à Paris.